18 juin 2018

En trouvant une hypothèse dramaturgique dans « la pièce écossaise »

À l'Odéon-Théâtre de l’Europe, pour voir Macbeth—écrit par William Shakespeare et traduit en français par Daniel Loayza et le metteur-en-scène, Stéphane Braunschweig (Les Solitaires Intempestifs, 2018)—personne ne peut éviter les différences claires, inspirées par le privilège socioéconomique, qui sont construites dans le bâtiment-même. Lorsqu’à la corbeille, on peut toujours voir toute la scène, ce n’est pas forcément le cas pour les gens au paradis. La structure du théâtre forme un continuum de privilèges, parallèles aux prix du billet, et par extension, du statut socioéconomique. Trouver une bon perspective, c’est presque un jeu de pouvoir.

Le rideau s’ouvre sur une pièce totalement blanche, ornée de carrelage simple, comme une prison ou un hôpital psychiatrique. Voilà les trois sœurs, chacune assise sur un seau gris. Elles se sont étalées, chaque femme avec son propre tiers de la scène. Les sœurs fatales sont toutes enceintes, et elles caressent leurs ventres en disant leurs mots, interrompus de petits gémissements, tels des chats.

Soudainement, vient le tonnerre, et le mur derrière les femmes se divise en deux, en séparant du centre, pour dévoiler une salle extrêmement élégante, décorée de pièces d’art de la haute-culture, qui montrent des femmes, toutes nues et vulnérables, comme des anges. Tout ce qui est dans cette salle est symétrique et extrêmement ordonné, pour qu’elle puisse toujours séparer sans avertissement. Chaque fois que le tonnerre foudroie, la scène se termine et l’endroit change. Lorsque l’avant-scène blanc reste constant pendant toute la pièce, le thème de la salle derrière les meubles et l’existence-même de cette salle sont toujours variable. Voilà la construction d’une double-scénographie : Le public voit quelquefois plusieurs scènes, dans des endroits différents, en même temps. C’est la raison pour laquelle cette mise-en-scène peut désorienter son spectateur.

12 juin 2018

Critique de La Cantatrice chauve

Au Théâtre de l'Athénée, pour voir La Cantatrice chauve, d’Eugène Ionesco, dans une mise-en-scène de Jean-Luc Lagarce, reprise à l’identique 26 ans plus tard, on commence par ne voir que le rideau, à l’avant-scène. Par conséquent, il faut que nous regardions le reste du théâtre : un établissement qui montre un peu de l'héritage de l’architecture traditionnelle des théâtres à l’italienne. Pour les places les moins chères, au paradis, du côté paires, on ne peut même pas voir tout le rideau, à cause de la construction du théâtre. En revanche, on voit clairement où serait le roi—s’il y avait toujours un roi de France qui assistait aux spectacles. C’est peut-être la raison pour laquelle les spectateurs au poulailler sacrifiaient un bon point de vue de la scène pour une meilleure perspective de la corbeille. Dans ce sens, les places des étudiants les moins chères composaient probablement un bastion des classes sociales les plus basses.

Au début du spectacle, le rideau se lève, pour que nous puissions voir clairement une maison simple mais élégante—avec une pelouse dans l'arrière-cour. Ce qui sépare la scène des coulisses est une clôture simple, et rien de plus. On peut dire que c’est une scénographie d’une bande-dessinée, mais c’est quelque chose de plus cliché : La maison me rappelle les constructions de l’après-guerre aux États-Unis, quand tous les soldats rentraient chez eux. Cette maison est dans le style de William Levitt, à l’image de la banlieue paradisiaque. La scénographie a aussi un air nostalgique pour les feuilletons américains comme The Brady Bunch. Elle fait un rappel du rêve américain, malgré sa simplicité et son esprit superficiel—et le fait qu’il n’y a pas de vraies pièces dans cette maison.

06 juin 2018

Critique de La sonate des spectres

En arrivant dans la Grande Salle au Théâtre de Nanterre-Amandiers, pour voir Sonata Widm (La Sonate des spectres), une pièce écrite par August Strindberg avec une mise-en-scène de Markus Örhn, le chemin pour entrer est déjà long et affreux. Après que tout le monde se soit recueilli en dehors la salle, le public entre dans la salle graduellement pour voir premièrement les centaines de chaises vides, sauf une : Voilà Markus Örhn, assis au centre de la salle, avec du maquillage que le rend semblable à un personnage de cauchemar. Il est tranquille, mais sérieux et silencieux. Il n’y a pas de signes qui informent le public qu’il est là, ou qu’il est aussi le metteur-en-scène, mais sa présence contrôle déjà cet espace. Beaucoup de monde le regarde, pour vérifier s’il est en fait une véritable personne, pas un mannequin, et cette confirmation inspire du rire et du trouble.

La scène est entourée par des places pour le public. Il n’y a pas de rideau qui sépare le public de la scène, et cette scénographie ressemble plutôt à une petite place. Assis à sa place, le public peut voir presque tous les autres spectateurs devant soi, à sa gauche, et à sa droite. Par conséquent, le public devient une partie de la scène. La musique jouée provient d’un orgue grave et en mineur, pour rappeler l’image d’une église maudite durant la nuit. Après que tout le monde se soit assis, Örhn monte sur scène avec une caméra qui le suit, pour parler directement au public. Il dit que le spectacle est une production en direct, et si une personne veut changer de place durant la représentation, ou aller aux toilettes, ou partir du théâtre en général, elle peut le faire. Cette annonce fait entrer le public dans une partie du spectacle, parce que quelle que soit l’action de chaque membre du public, elle est une décision dramaturgique. Il est difficile de toujours voir le metteur-en-scène, à cause de la scénographie, qui inclut deux grandes boîtes séparées, et aussi une grande statue. L’autre personnage qui n’est pas écrit dans la pièce de Strindberg, c’est le cameraman qui le filme. Le cameraman est aussi le seul personnage qui ne porte pas un grand masque, comme les autres. Il porte une robe noire qui couvre tout son corps, et son visage—maquillé comme celui d’Örhn—est à peine visible. L’image capturée par la caméra est diffusée sur les écrans en haut, mais l’image est floue et secouée, et elle donne au public une sensation de vertige.